Jérôme Thomas est le réalisateur d’un documentaire sur l’histoire du muralisme moderne. Cette discipline que vous retrouverez particulièrement dans le 13e et le 20e à Paris est surprenante. Le format gigantesque vous interpellera forcément.
Jérôme Thomas a eu le plaisir de grimper à plus de 66 mètres de haut avec certains artistes comme MadC, Stew, Inti et bien d’autres. Aujourd’hui, il nous raconte son expérience et nous communiquera également quelques dates à venir dont celle du 26 novembre au sein du studio mythique… le 104 de la Maison de la radio (Paris 16).
1/ Pour mieux te connaître qui es-tu ?
Je suis un passionné de Hip Hop avant tout, une beat-maker, un monteur, réalisateur, ancien tagueur. Je fais également office de tourneur dans mon propre documentaire.
2/ Dans les années 90, tu étais dans le groupe STS, quel a été l’élément déclencheur pour passer derrière la caméra et arrêter les tags ?
Ce n’est pas exactement ça, ce qui m’a arrêté c’est la police, arrêté par deux fois à une semaine d’intervalle, je n’avais pas les moyens de payer un avocat. Continuer à sévir et prendre des risques financiers, ça dépassait une limite de tolérance que je ne pouvais pas assumer socialement. Je ne pouvais pas faire face financièrement à un procès, c’était amusant à la base, mais ça allait trop loin donc j’ai ralenti…
Toute mon énergie a été orientée dans la musique et dans le Rap, on montait des studios d’enregistrement avec Katre et Again qui étaient STS avec moi. On était un collectif de rap STEUS. Je viens d’ailleurs de terminer un documentaire qui retrace notre épopée de 25 ans dans la musique, le graff et la vidéo…. c’est un scoop !!
L’élément déclencheur… Mon beau père de l’époque qui m’a donné une caméra digital 8, ce cadeau de Monsieur Piécoup a changé ma vie. J’ai commencé à filmer mon quotidien, et je n’avais pas conscience de la valeur de ce que je documentais à l’époque.
Les événements du 21 avril 2002, avec le FN au second tour. Ça a créé chez moi une impulsion militante ! Et j’allais oublier le principal, mon documentaire Home studio tourné entre 1999 et 2004, il a permis de me faire connaître.
3/ Ce n’est pas ton premier documentaire, lequel a été le plus marquant pour toi et pourquoi ?
Le plus marquant reste le premier « Home-Studio, the musical revolution », dont la force m’a été donné par Marc-Aurèle qui a fait « Writers », je n’aurais jamais pensé que je pouvais réaliser un documentaire indépendant. On avait peu de moyens, une mini-dv, un lecteur mini-disc pour les voix, pas de hf, pas de station de montage. Tout à la volonté.
Le sujet nous tenait à coeur (création de musique à domicile).On a suivi ces traces. Se retrouver à la fnac sans structure de production audiovisuelle professionnelle c’est simplement révolutionnaire.
Celui sur la rave était intéressant car il m’a fait sortir de mon environnement de la culture Hip Hop. Se retrouver au milieu des champs était mortel.
Un souvenir marquant a été la réalisation du documentaire sur le street art « traits portraits », c’était de la folie niveau timing, Il a été réalisé et monté en deux mois. On retrouve l’Atlas, Marko, Katre, Oxmo Puccino, Sunset etc…
4/ Pourquoi avoir choisi ce thème pour ton documentaire Sky’s the limit ?
Je voulais parler du graffiti mais différemment. J’ai eu l’opportunité de me retrouver sur la nacelle de Katre lors de son intervention sur la Tour Paris 13. Le côté monumental m’a intéressé et le mot muralisme m’a donné envie d’aller plus loin.
Ce mouvement aujourd’hui est dépolitisé voir aseptisé en France. Ça commence à bouger, mais il y a encore du boulot…
5/ Concernant le tournage de Sky’s the limit, quel est pour toi le meilleur souvenir et ta plus grosse difficulté ?
Je ne sais pas, j’ai pleins de flashs de beaux souvenirs… Peindre et manger au 17eme étage au soleil avec Pantonió, perchés au calme au dessus de l’agitation de la ville, qui plus est avec un artiste exceptionnel. On a eu beaucoup de difficultés, mais on s’est bien marrés.
Le fait, de participer aux peintures, tu as le sentiment de participer à quelque chose de fort.
Avec Inti, on a eu des moments formidables, comme des discussions sur notre culture commune, le hip-hop, alors qu’on vient de 2 continents différents.
J’ai tout de même une préférence pour le tournage avec Pantonió, la hauteur : 66 mètres, son perfectionnisme, son acharnement, son engagement, ses rapports avec les habitants. Il est magique.
Le plus mauvais… La plus grosse difficulté est d’être à la hauteur (sans jeu de mots), par ma réalisation. J’ai été obligé d’acheter du matériel adapté pour arriver à prendre du recul sur leurs oeuvres. L’endurance aussi ! il faut résister au temps, la météo… Etre en haut, en bas, parce que je n’avais pas de deuxième cadreur.
6/ A travers ton documentaire, que souhaites-tu nous transmettre ?
A travers mon documentaire je veux transmettre, l’envie de mettre de la peinture dans l’espace public, pas de la peinture ringarde. Des personnes qui peignent depuis 20 ans dans la rue et qui ont aujourd’hui entre 30 et 40 ans. Ces artistes venus des arts urbains comme Katre obtiennent enfin la reconnaissance qu’ils méritent en accédant à ces espaces publics d’expressions populaires. Ils passent du graffiti communautaire à l’art public. Ils s’ouvrent au plus grand nombre, ce qui ne signifie pas qu’ils plaisent au plus grand nombre.
Mon film raconte comment ces projets se mettent en place et les compromis qui s’entrechoquent pour que ces peintures puissent voir le jour.
7/ Un prochain documentaire à venir ?
C’est le documentaire d’1h sur Steus, c’est l’épopée d’un crew de graffeurs adolescents jusqu’à l’âge adulte. Il est très intime, brut, il explique notre trajectoire depuis le tag jusqu’au marché de l’art en passant par la musique. Il est prêt !
Sky’s the limit 2… à voir.
J’ai envie de travailler sur la danse dans l’espace public, visuellement c’est ce qu’il y a de plus fort dans la culture Hip Hop.
Mais toujours pas de prod pas de chaîne pas de diffuseur, donc on réfléchit avant de se lancer.
8/ Quels sont les prochaines dates et lieux où nous pourrons découvrir ton documentaire ?
Pour les Parisiens la prochaine date est le dimanche 26 novembre à 18h au studio 104 de la Maison de la radio.
Si vous souhaitez assister à cette projection gratuite, c’est sur inscription et ça se passe ici en attendant, découvrez le teaser…
Dans d’autres villes le documentaire sera également diffusé. A Bordeaux, Orléans, Marseille, Le Mans… suivez la page dédié au documentaire ici pour ne rien rater.
Belle journée !
© photo de Jérôme Thomas : Rosewitha Guillemin. Teaser © Manaprod
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